« La fresque est faite pour fixer l’instant passionnel
dans une matière solide comme la méditation »
Élie Faure
1
Elle ouvre les yeux sur le noir. Noir de campêche " bois de sang". Rien n'existe autour d'elle . Ni configuration de slieux ni forme de l'espace . Où se trouve-t-elle ? Depuis combien de temps emmurée-morte ? Que fait-elle dans cette nuit pareille à la plus obscure des nuits ? Solliciter sa mémoire ne lui sert à rien elle sent un vide un vide immense vide d'intensité sombre qui l'empoigne tout entière vide de sens vide d'échos.
2
Elle se frotte les yeux. Elle hasarde ses mains sur son corps en palpe les contours. Renouer avec ses propres limites ses propres frontières. C'est ce qu'elle cherche.
Son cou frêle ses seins menus et fermes
-deux pommes rondes d'un verger -
le verger ! Le verger de la tenuta
La Tenuta Tenuta Mocajo.
Où était-ce, d’où lui viennent les mots ? Des fleurs ailées papillonnent alentour paupières closes fleurs ailées mauve carmin mêlé au pourpre de violine cherchent un chemin à se frayer à travers les membranes des yeux imagessurgies frêles lucioles prises dans la noix de la mémoire.
3
Elle caresse l’ovale de son visage redessine la forme de sa bouche tâtonne le long de ses hanches. De ventre elle n’a point pubis imberbe tout juste une entaille close sur la douceur de la chair.
Quel âge a-t-elle. Elle ne sait. Elle est à son réveil
Identique à celle qu’elle a laissée la veille. La veille, quand était-ce ? Quand s’est-elle endormie ? Combien de temps a duré son sommeil ? Une nuit de plusieurs milliers de nuits.
Nuits indissolubles soudées les unes aux autres pareillement
Identiques depuis les origines jusqu’à ce jour.
Elle ne peut distinguer les limites du temps davantage
ses propres limites
[...]
6
Elle sent sur sa peau les feuilletés de sable s’écarter autour d’elle et lui céder passage. C’est sous ses doigts une surface lisse ou alors d’étranges granules roulant sous leur pulpe happée hors de leur gangue granitique par strates successives.
Elle se laisse guider vers ce qui lui semble être la lumière.
Angèle Paoli, Italies Fabulae, Mocajo, Editions AL MANAR, 2017, p.43-45
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